Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/331

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satisfaction de l’envie triomphante qui regarde souffrir sa victime. En assouvissant ma colère, je l’avais épuisée, et maintenant je demeurais épouvanté de mon œuvre. Pourtant la mauvaise honte fut, encore une fois, plus forte que le repentir, et je n’avais rien avoué quand Octave partit, accompagné de mon oncle : — « Il faut nous dépêcher d’aller à la police, » avait dit le brave homme, « faire ta déclaration… Ensuite je te conduirai chez M. Montescot, et je te promets que tu ne seras pas grondé… Tu es le premier puni de ton étourderie… Mais c’est incroyable. La rue est dallée. Si la montre est tombée, elle a dû faire du bruit en tombant… Enfin tu sais où tu l’as perdue, puisque tu l’avais encore chez nous. C’est entre notre maison et celle de M. André… A moins qu’on ne te l’ait volée ? Mais qui ?… » — « On la lui a volée, sans nul doute, » disait le lendemain le docteur Pacotte, comme on parlait chez lui de cette aventure, devenue un événement pour le petit groupe des amis de M. Montescot. C’était à la réunion du dimanche, mais le philosophe et son pupille y manquaient. Ils avaient dû s’absenter pour huit jours durant la semaine de Pâques, et aller dans la montagne chez des parents. Ils avaient exécuté leur projet, malgré la perte de la montre, en confiant à mon oncle le soin de les tenir au courant des recherches. Cet éloignement m’avait soulagé d’une douloureuse appréhension. 11 m’eût été trop pénible de me retrouver en face