Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/24

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élève, lequel creuse le sol du sabot avec un dernier reste de révolte, — mais d’une révolte pourtant soumise.

Quand la jeune et jolie dompteuse de chevaux rentrait ainsi de ses périlleuses séances de dressage, un homme était là, dans le yard, qui la regardait avec une admiration muette. Cet homme, d’ailleurs, — un autre type d’Anglais aussi bizarre que l’endroit lui-même, — était un personnage de peu de paroles. Quand il en émettait une, elle consistait, généralement, en un guttural monosyllabe. Ce personnage, dont les anciens habitués d’Epsom lodge ne mentionnent jamais le nom sans que la conversation se prolonge sur ses excentricités indéfiniment, s’appelait donc Jack Corbin. Il était le fils du frère de la feue Mrs. Campbell et le factotum de l’écurie. L’oncle Bob, quand il perdit sa femme, en 1898, quatre ans avant l’époque où commence ce récit, aurait certainement vendu à l’encan tous ses chevaux et renoncé à son fructueux commerce, si Jack ne s’était trouvé là. Il faut ajouter que la mère de Hilda avait été emportée dans des circonstances particulièrement tragiques de soudaineté. Elle était allée au « service », comme cette famille de fidèles anglicans fait tous les dimanches, au temple national de la rue d’Aguesseau. C’était au mois de décembre. Elle prit froid dans le « tonneau » qui la ramenait à la maison, les principes du marchand de chevaux lui interdisant la voiture fermée, quelle que fût la saison. Une pneumonie double se déclara, qui emporta la pauvre femme en quarante-huit heures. Campbell et Hilda furent comme fous pendant plusieurs semaines durant. Il est vrai que, fidèles à la grande règle de l’éducation britannique : dont show your feeling (ne montrez pas vos sentiments), ils n’ont jamais