Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/263

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de toutes les pensées soulevées en elle par l’évidence de l’insensibilité de Maligny. À une seconde, et malgré le parti pris de son légitime orgueil de femme, une imploration passa dans ses yeux. Si les anciens fiancés eussent été en tête-à-tête, c’est elle qui se serait humiliée devant son bourreau, elle qui eût demandé pardon des souffrances qu’il lui avait infligées. Le subtil personnage observa bien que la raideur du début de leur nouvelle rencontre se détendait, que la rougeur de la timidité passionnée revenait aux joues de la jeune fille. C’était déjà trop tard pour qu’il en fût touché.

— « Mon système était le bon, » se dit-il. « C’est elle qui voudrait changer le sien, en constatant qu’elle n’a pas réussi à me piquer au jeu… Vous ne m’amènerez pas non plus dans ce chemin-là, mademoiselle Hilda, et, avant de partir, si vous avez quelque petite idée de chantage sentimental, je vais, à tout hasard, vous prouver que je ne vous crains pas… » Et tout haut : « Il me reste à vous remercier, monsieur Campbell. Je viendrai vous donner la réponse, pour un de ces chevaux, au premier jour… Je reverrai, d’ailleurs, M. Corbin à la chasse, très prochainement, sans doute, et aussi Mlle Hilda… J’ai su que vous allez accompagner une dame de mes amies, » ajouta-t-il, en se tournant vers la jeune fille, « Mme Tournade. Elle m’a dit qu’elle était venue hier et que vous lui aviez montré deux admirables bêtes… Je lui ai répondu, » et se tournant vers Campbell, « qu’il n’y avait, rue de Pomereu, que des chevaux de premier ordre et merveilleusement mis… »

— « Vous l’avez entendu ?… » disait Hilda à Corbin, une demi-heure plus tard. Jules était parti, après avoir porté à la malheureuse ce coup si cruel — et si gratuit ! — Campbell avait prié sa fille d’examiner