Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/269

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billet d’elle, adressé à miss Campbell et porté, cette fois, par Gaultier. Le gros cocher était rentré en grâce, justifiant ainsi la prédiction de son ennemi le chauffeur. Corbin eut, du moins, l’occasion de se venger un peu du message sur le messager. Il avait tant cru, d’après la façon peu sûre dont la veuve montait, qu’elle renoncerait à son projet.

— « Mme Tournade demande que je lui amène deux chevaux à Rambouillet mardi prochain, » dit Hilda après avoir pris connaissance de la lettre.« Elle suivra la chasse avec l’équipage de Montarieu. » Le nom est bien connu dans le monde de la vénerie : c’est celui d’un château loué en commun par une société d’amateurs bourgeois du plus noble des sports. Ils ont pu, dans les prolongements restés libres de la forêt de Rambouillet, s’aménager une chasse très bien tenue. On les a raillés longtemps, jusqu’à ce qu’ayant pris comme maître d’équipage — moyennant finance, prétendent les méchantes langues — le jeune prince de La Tour-Enguerrand, ils soient devenus à la mode assez pour que des Candale et des Albiac en fassent partie. Cela dit pour expliquer que Mme Tournade eût choisi cette chasse plutôt qu’une autre. L’accès en était quand même plus facile que celui des équipages voisins, appartenant tous à de grands seigneurs très authentiques.

— « Hé bien ? » interrogea Corbin. Elle avait été si nette, l’autre jour ! Maintenant elle se taisait. Elle avait tendu à son cousin le billet, imprégné d’un violent parfum, qui justifiait le biblique surnom donné à la riche veuve par la colère de sa jeune rivale. Les narines du farouche écuyer se contractèrent de dégoût, comme si, réellement, la Jézabel maudite par les prophètes fût venue secouer ses impudiques voiles autour de lui pour le tenter. Et brusquement, afin de suggérer la réponse à sa cousine : « Je