Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/270

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suis libre, mardi prochain. Nous allons faire dire à Mme Tournade que je serai là avec les chevaux… »

— « Non, » interrompit la jeune fille, « c’est moi qui irai… » Et, se tournant vers Gaultier : « Attendez une minute. Je vais écrire un billet à votre maîtresse… »

— « J’aurais bien désiré parler à M. Campbell lui-même. Est-ce qu’il n’est pas là ?… » Cette question, posée par le cocher de Mme Tournade à John Corbin, réveilla celui-ci de la stupeur accablée où la nouvelle volte-face de sa cousine, pourtant trop redoutée, l’avait plongé. Il regarda le gros homme avec un regard de colère et lui dit :

— « Non, mon oncle n’est pas là. Qu’est-ce que vous lui voulez ? »

— « Lui demander quelles sont les habitudes de la maison, quand un cocher fait acheter un cheval à ses maîtres ?… »

— « Ah çà ! » répondit Corbin, hors de lui cette fois, « est-ce que vous nous prenez pour des voleurs comme vous ? »

— « Mais… » voulut répliquer l’autre, interloqué de cette étonnante algarade.

— « Oui, comme vous, » répéta le furieux. « Quand nous vendons un cheval, nous autres, nous demandons ce qu’il vaut, pas un shilling de plus. Nous ne sommes pas des maquignons français, nous, entendez-vous. Nous sommes d’honnêtes marchands anglais. Si vous voulez gagner sur l’écurie de votre maîtresse, allez ailleurs. »

Jamais aucun des fournisseurs divers avec lesquels peut traiter cet important personnage : un cocher de grande maison, n’avait parlé de la sorte à « Monsieur Gaultier, » — ni grainetiers, ni selliers, ni carrossiers, ni vétérinaires, ni surtout, commerçants en chevaux. Le pourpre de l’indignation avait envahi le large visage de l’impudent quémandeur. Son mufle rasé