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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/97

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l’amoureux n’eût pas eu, dans Galopin, un guide avisé, qui n’avait pas besoin d’être surveillé, cette rentrée au logis ne se fût peut-être pas accomplie, pour lui, sans quelque anicroche, tant ses pensées l’absorbaient. L’instinct de sauvage pudeur, — risquons le mot, de pruderie, — dont la jeune Anglaise avait été soudain saisie à des propos trop vifs, devait produire, sur l’imagination du jeune homme, précisément le même effet que la plus savante coquetterie. Qui n’a, dans la mémoire, le vers classique du poète latin sur Galatée, qui fuit sous les saules ?

…Et tu fuis du côté des saules de la rive,

Mais pour être mieux vue, ô nymphe fugitive !

Si la sincère Hilda Campbell avait été une rouée, aurait-elle agi d’autre manière pour mordre davantage sur l’imagination de celui à qui elle plaisait tant déjà ? Hélas ! Il faisait mieux que lui plaire, à elle. À l’instant même où elle sa sauvait ainsi, d’une fuite folle et tout impulsive, loin du séducteur, elle était si bouleversée et, dans sa révolte, quoi qu’elle en eût, si ravie, que cette voix caressante d’homme lui eût parlé avec cette douceur ! — Lui, cependant, descendu de cheval dans la vieille cour de sa vieille maison, en était à se poser, avec une véritable angoisse, bien rare chez lui, cette question, de nouveau : « Pourvu qu’elle n’aille pas parler à son père ?… » Par extraordinaire, il négligeait d’accompagner le concierge chargé du pansement du précieux Galopin, l’unique habitant de l’écurie, jadis aménagée pour six chevaux et un poney. Aujourd’hui, la demi-ruine était venue. Le foin, acheté botte par botte, garnissait maigrement une des stalles où la maître Jacques de la loge le prenait au fur et à mesure. Une autre stalle servait à la paille. Le reste était vide. Les araignées tendaient leurs toiles grises