Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de monde ou de demi-monde. Aussi la médisance n’avait-elle eu aucun nom à prononcer quand la comtesse Scilly avait quêté ses renseignements. Les tristes plaisirs par lesquels il avait plus ou moins distrait son horrible mélancolie n’avaient pas eu plus d’échos que sa lointaine et trop courte histoire dans la société où il vivait, qu’il traversait plutôt, car tout de suite il avait repris du service et redemandé un poste très lointain, qu’il avait troqué presque aussitôt contre un autre, puis contre un autre, par cette incapacité de rester en place où se reconnaissent les lancinantes secousses de l’idée fixe. En revanche, cette idée fixe elle-même, la lassitude de cette existence déracinée, les rancœurs de la débauche, la sensation trop constante de la solitude morale, tout avait développé en lui l’infini besoin d’un renouveau, en même temps que ses souvenirs lui en ôtaient l’espérance. L’intense chagrin dont il avait si longtemps souffert avait élaboré en lui un autre homme, aussi dégoûté de l’amour criminel que l’autre en avait été curieux et friand, aussi désireux de la paix morale que l’autre avait souhaité les tempêtes troublées du cœur. Ç’avait été le secret de son ravissement lorsque, ayant de nouveau démissionné, d’une manière définitive cette fois, il avait rencontré Henriette et qu’il s’était pris à l’aimer. Après des années de douleur et d’égarement, il