Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/118

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ancienne maîtresse, il commençait de ne plus traduire cette idée uniquement par des images qui se rapportassent à leur commun passé. La réalité actuelle et précise s’imposait a lui, et, au lieu de voir la Mme Raffraye d’il y a neuf ans, il essayait enfin de se figurer celle d’à présent. Il se demandait dans quelle portion de l’hôtel elle habitait, ce qu’elle faisait à cette heure, quel projet elle remuait dans sa pensée ? Il était entièrement remis de cette panique affolée qui avait déconcerté en lui toutes les puissances raisonneuses, et, sitôt rentré dans sa chambre, il s’était retrouvé capable de la froide lucidité qui établit le décompte exact d’une situation, si pénible soit-elle. Il avait eu le bon sens de se dire qu’après tout Pauline pouvait n’être arrivée à Palerme et au Continental que par hasard. De telles rencontres se produisent rarement, mais elles se produisent, et de plus invraisemblables. Il y avait donc crois cas à examiner : ou bien Pauline était venue avec intention et pour lui faire du mal, c’était le premier. Ou bien elle était venue sans intention, mais une fois qu’elle apprendrait sa présence à lui et son bonheur, le démon de la rancune et de la vengeance la pousserait à quelque perfide démarche, c’était le second. Ou bien enfin, cette nouvelle la laisserait indifférente, parce qu’il était réellement oublié d’elle. Dans l’une comme dans l’autre de ces trois