Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait suivi son retour. Il dirait son entretien avec Mme de Sermoise et la manière dont il avait appris la naissance de l’enfant. Les yeux de Mme Scilly, de la chrétienne qui n’avait jamais failli, se lèveraient vers lui. Qu’y lirait-il ? Quelle question lui poserait cette bouche au pli austère ? Il en avait si souvent entendu tomber des phrases de pitié, ce soir encore, sur ces pauvres petits êtres à qui l’on doit tout, parce qu’ils n’ont pas demandé à vivre. Elle lui dirait : « Comment est cette enfant ? » Il répondrait : « Je ne l’ai jamais vue. » Les yeux de la comtesse le regarderaient de nouveau. De quel regard, et comment le supporterait-il ? Non, jamais la dureté apparente de son abandon, qui n’était pourtant qu’une justice, ne serait comprise par cette âme de charité. Cette mère qui avait vécu uniquement pour sa fille lui dirait : « N’y eût-il qu’une chance pour que cette pauvre enfant fût la vôtre, vous deviez en tenir compte. » Il est si facile de parler ainsi quand on vit exempt de la passion et de ses âcre morsures ! Comment faire entendre à une femme comme celle-là que cet implacable silence où il s’était renfermé avait pour principe l’excès même de son amour ? S’il n’avait pas tant aimé Pauline, il n’aurait pas tant souffert du doute, et il n’aurait pas gardé cette rancune des blessures mal guéries qui l’avait empêché de jamais se rapprocher d’elle. « Mais, si la mère était morte, »