Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/137

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étaient apparues. L’une, il la reconnaîtrait au premier regard. Ce serait la Pauline d’autrefois, — celle qu’il avait laissée si jeune encore, si royalement jeune et belle dans sa pâleur et sa fragilité, — mais touchée, lassée, épuisée, vaincue par la vie. Et elle tiendrait par la main la petite fille. Quels yeux aurait-elle et quels traits, cette enfant dont il ne savait rien, sinon qu’elle vivait, qu’elle respirait, que ses pieds avaient posé la veille sur le tapis rouge de ce banal escalier de marbre, que son visage inconnu avait été encadré par ces feuillages ? À cette simple idée il avait senti comme une main lui serrer le cœur, et cette étrange impression avait été assez cruelle pour qu’il se hâtât vers le salon. Lorsqu’il en sortit, vers les dix heures, et qu’il repassa sur le même palier, devant les mêmes marches du même escalier, la même idée lui vint et la même impression, puis à midi. Elle fut plus forte encore au moment du départ pour la promenade, quand il se trouva passer là avec la comtesse et sa fiancée. Qu’Henriette était jolie à cette minute, toute blonde et gaie de sa gaieté heureuse, et que ses yeux bleus se tournaient vers son aimé avec confiance et sérénité ! Comme la fraîcheur rose de son teint riait parmi les arbustes, et qu’il l’aimait ! Ah ! Qu’il l’aimait ! et comme il lui en donna une preuve qu’elle ne soupçonna point, en forçant, lui aussi, sa bouche à sourire, au moment même