Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/143

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maintenant que, par prudence, par faiblesse, par honte aussi et par peur devant les conséquences d’un difficile aveu, il avait repris le chemin du mensonge. Mensonge à l’égard de sa fiancée auprès de laquelle il se condamnait à une comédie de sérénité qui constituait un véritable crime de lèse-tendresse. Nourrir au fond de soi une anxiété pareille et s’en taire, n’était-ce pas manquer à ce contrat sentimental que la race anglaise, cette race qui a le culte, le fanatisme de la loyauté, a défini dans cette formule si profonde de ses mariages : for better, for worse, — pour le meilleur et pour le pire ? Mensonge vis-à-vis de lui-même ! Car, en n’adoptant pas une résolution simple et définitive, il cessait de pouvoir répondre en toute franchise de l’avenir de ses émotions. En acceptant d’avance cette idée d’une rencontre avec la fille de Pauline Raffraye, il se préparait à sentir le choc d’événements nouveaux que son strict devoir était d’empêcher. Le jour où il s’était lié à Henriette Scilly, ne s’était-il pas engagé à ce que son passé fût mort définitivement, irrémédiablement ? Y rentrer, même sous cette forme douloureuse, dès lors qu’il n’en prévenait ni sa fiancée, ni, à défaut d’elle, la mère, c’était une trahison qu’aucun sophisme ne justifiait. D’ailleurs ces événements nouveaux, au-devant desquels il se laissait rouler avec un mélange si particulier d’appréhension et de remords,