Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/145

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soirées s’étaient passées dans la même intimité tranquille qu’à l’ordinaire, du moins en apparence, car il n’avait plus commis aucune faute d’attitude. Mais qu’était devenue cette vérité du cœur, cette union dans la confiance réciproque, ce bonheur et cet honneur de ses fiançailles, dont il était si fier ? Il faisait de nouveau une bleue et transparente matinée de Sicile, et comme la vie, malgré le tumulte de nos drames moraux, continue à nous plier sous les petites exigences des démarches quotidiennes, Francis avait dû sortir, mais seul, pour une signature à donner chez le banquier auprès duquel il était accrédité. Cette solitude, d’une heure peut-être, lui avait été un soulagement. Quelle preuve du ravage aussitôt produit dans son amour par l’hypocrisie à laquelle il s’était décidé ! Comme ce mensonge lui pesait déjà et qu’il regrettait de n’avoir pas suivi son premier projet ! S’il eût parlé, peut-être Mme Scilly, qu’il savait capable d’énergiques résolutions, se fût-elle décidée à un départ commun pour une autre ville d’hiver, à un voyage du moins de plusieurs semaines. Elle l’eût arraché à ce malaise imaginatif que l’absolue dissimulation ne pouvait qu’augmenter, et qu’il subissait si fort durant cette matinée. Il avait dû, pour aller à cette banque et pour en revenir, suivre en partie le même chemin que l’autre jour, lorsqu’il rentrait, seul aussi, de la divine promenade à la villa Tasca.