Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/147

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avouer par-dessus ses anciennes fautes ce silence menteur de ces derniers temps. Et puis, tant que l’épreuve de la rencontre avec la petite fille n’aurait pas eu lieu, que pouvait-il savoir de ses sentiments pour elle ? Il avait cette chance qu’elle portât sur son visage la ressemblance, autrefois détestée, de François Vernantes par exemple. Dieu juste ! De quel profond sommeil il dormirait la nuit suivante, s’il possédait jamais une telle preuve qu’il ne s’était pas trompé en condamnant Pauline et que l’enfant n’avait pas une goutte de son sang à lui dans les veines ! L’hérédité a cependant de ces évidences. Dans sa marche le long des trottoirs, puis dans son assez longue attente au bureau du banquier, il s’était complu à cette hypothèse qui lui représentait le salut immédiat. Il s’était rappelé certaines petites filles de sa connaissance nées d’un adultère, et presque identiques à leur père véritable par les traits, la structure des membres, la couleur des cheveux, la nuance des prunelles. Il était de trop bonne foi avec lui-même néanmoins pour ne pas s’avouer qu’à ce degré-là de pareilles évidences sont rares. Cette même hérédité abonde en mystères indéchiffrables et inextricables qui ne font qu’enfoncer plus avant en nous la pointe aiguë du doute. Seule une mère est absolument, invinciblement sûre de sa fille ou de son fils. Elle les a tirés de ses entrailles. Elle sait qu’ils sont l’os de ses os, la chair