Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/149

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— « Vous êtes donc sorties ? » répondit Francis en se forçant à un ton de gentil, de gai reproche, et s’adressant à Henriette : — « Est-ce bien raisonnable avec les dispositions que vous aviez à la migraine ?… Aussitôt que je ne suis pas là… »

— « Ne me grondez pas, » interrompit mutinement la jeune fille, « maman avait beaucoup écrit. Vous ne rentriez pas. J’étais mieux. Nous sommes descendues prendre l’air dans le jardin de l’hôtel… Entre parenthèses, vous savez que nous sommes très injustes pour ce jardin… »

— « Le tennis me le gâte, » dit le jeune homme, « et la chapelle anglaise et les demoiselles qui sont toujours là, en train de laver une aquarelle d’après le groupe d’eucalyptus, le bouquet de bambous, l’allée de palmiers et le tempietto [1] renouvelé des Grecs, comme le jeu de l’oie. »

— « Justement, » reprit Henriette, « il n’y avait pas un visiteur ce matin, excepté sur un des bancs, vous savez, dans le coin au fond, près de la serre, une petite fille avec sa bonne… Je me souviens que vous n’aimez pas ce joli nom d’ange, dont toutes les mamans abusent !… Mais il n’y a pas d’autre mot pour cette enfant, si fine, si délicate !… Neuf ou dix ans peut-être et de longues boucles blondes, de ce blond à reflets sombres que vos ennemis les Anglais appellent auburn.

  1. Petit temple.