Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Non, non, » reprit Henriette, « c’est mieux qu’un air… Je suis sûre que Francis aura mon impression de cette ressemblance, lorsqu’il verra l’enfant… Cela aurait suffi, n’est-ce pas, pour que je la regardasse autrement que les autres petites filles. Mais devinez à quel jeu elle jouait ?… Elle avait entre les bras une poupée presque aussi grande qu’elle, et elle l’enveloppait de couvertures et de châles pour la conduire à la promenade. Elle lui parlait en l’empaquetant, et c’était un tendre babil de conseils sans fin. Elle plaignait cette poupée d’être malade, bien malade. Elle lui rappelait que les médecins l’avaient envoyée en Sicile pour se guérir, que c’était bien loin et qu’il fallait profiter du moins de ce voyage, se garder du vent et surtout du coucher du soleil. Elle la grondait d’être restée la veille trop tard dehors, qu’elle avait toussé toute la nuit et qu’Annette avait dû se lever, — Annette, c’est le nom de sa bonne… — Enfin, toutes les recommandations, presque avec des termes techniques, qu’elle entend certainement les docteurs faire à sa mère… Cela nous a touchées plus que je ne peux vous dire, maman et moi, cette petite que de pareilles images poursuivent jusque dans ses jeux, et elle mettait à ces soins envers sa grande fille, comme elle l’appelait, une véritable passion… J’ai eu tant de pitié pour cette pauvre enfant que j’ai voulu lui