Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/170

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amaigrie qui avait flatté ses cheveux, pour la baiser, l’empressement avec lequel ses petits bras enlevèrent la grande poupée afin de donner la chaise à Mme Raffraye, tout révéla cette affection exaltée que les enfants trop sensibles portent à ceux qu’ils sont menacés de perdre. Ils ne savent pas ce que c’est que de mourir, et on dirait que l’instinct de leur amour devine l’approche des éternelles séparations. Mme Raffraye fut sans doute une fois de plus touchée de cette tendresse que lui montrait ce petit cœur d’enfant apparu dans ces beaux yeux mouillés, car son sourire se fit mélancoliquement, infiniment doux. Elle s’assit, et tandis que la petite fille lui commentait la partie de tennis qui continuait, monotone et impeccable, elle jeta un coup d’œil circulaire sur les quelques spectateurs qui faisaient galerie autour du filet. C’est à cet instant qu’elle aperçut Francis Nayrac, qui, lui, n’avait pas bougé, haletant de curiosité douloureuse. Leurs yeux ne mirent pas à se croiser beaucoup plus de temps qu’une des balles lancées par les joueurs n’en mettait à voler d’une raquette sur l’autre. Ce temps suffit pour que le regard de Pauline pénétrât dans le cœur du jeune homme à la manière d’une lame aiguë et brûlante. Ses prunelles grises, d’un gris plus pâle encore dans la pâleur de son mince visage, n’avaient cependant exprimé ni la surprise, ni le mépris, ni la haine, ni aucun