Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/177

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père avait dormi en lui pendant trop longtemps, comme il s’était réveillé depuis cette rencontre du matin ! L’appel de tendresse qui grondait maintenant dans son cœur, sortait des fibres les plus vivantes de sa chair. Un appétit irrésistible, passionné, sauvage, le possédait : celui d’étreindre la petite fille, de la serrer contre lui, de toucher ses cheveux, de la couvrir de ses caresses, de la protéger. Qu’elle était devenue soudain vivante pour lui, et comme, sans raisonner, sans discuter, il la croyait, il la sentait sa fille plutôt, après avoir tant pensé qu’il douterait davantage encore, si jamais il la voyait !… Un regard avait suffi. L’évidence était entrée jusqu’au cœur de son cœur. Il n’y a pas de preuve qui l’établisse, cette évidence. Elle s’impose ou ne s’impose pas. Celle-ci l’avait pris et retourné en quelques minutes et pour toujours. Ah ! Ces années passées à fuir Adèle et sa mère systématiquement, comme il les payait durant cette nuit où il marchait dans l’ombre, droit devant lui, poursuivi, vaincu par cette voix du sang qu’il avait niée, lui comme tant d’autres, lorsqu’il lisait dans un livre quelque allusion à ce phénomène mystérieux, très rare et très étrange, mais, quand il se produit, aussi rapide, aussi farouche et aussi souverain que l’amour lui-même. À deux ou trois reprises et pendant cette course affolée, il essaya bien de se débattre encore contre cet envahissement. À quoi bon ? Il avait beau se