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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/19

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cette part qui constitue le principal effort de l’artiste soucieux de ne pas trop déformer la réalité. Admettons donc que tous les thèmes ne sont pas également propres à être traités, ni tous les caractères à être étudiés par la méthode du roman d’analyse. Mais de ce qu’il y a une évidente limite à cet outil très incomplet, s’ensuit-il que son emploi ne soit pas légitime et nécessaire dans telle ou telle occasion ? Si la vie se présente chez certains êtres et dans certaines crises comme un instinct et comme une spontanéité, elle se présente aussi chez certains autres avec des phénomènes contraires, et elle n’en est pas moins la vie. Quand Phèdre est rongée d’un criminel désir qu’elle n’ose avouer, quand Adolphe se débat entre l’élan féroce de sa jeune indépendance et sa pitié pour Ellénore, quand Amaury, à vingt-deux ans, hésite devant les mondes soudain révélés de l’action, de la croyance et de l’amour, quand Mme de Mortsauf console les soupirs de sa chimère étouffée par les trompeuses douceurs d’une amitié toujours troublée, toujours jalouse, ce sont bien pourtant des états humains, ce sont des crises de la vie vivante, et dont le roman d’analyse peut seul noter les nuances et décrire les détours. Si la critique était entièrement équitable, c’est la première question qu’elle se poserait à propos des livres de ce genre : l’instrument a-t-il été employé