Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/199

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L’idée fixe se faisait plus fixe encore et plus obsédante, lors de la seconde promenade, celle de l’après-midi, car il subissait, dans ces instants-là, cette appréhension de se trouver subitement en présence de la petite fille, qui l’avait étreint dès l’arrivée de Mme Raffraye à Palerme. L’angoisse en était pire, aujourd’hui qu’il savait ce qu’il savait. Qu’ils lui semblaient interminables alors, ces sentiers du parc de la Favorite, où ils marchaient d’habitude, Henriette et lui, pendant que Mme Scilly, restée dans la voiture, les suivait de son indulgent sourire ! Même dans ce mois avancé de décembre, comme cet immense parc est planté d’arbres et d’arbustes toujours verts, ce n’était pas un horizon défeuillé qui se développait autour des trois promeneurs. Mais qui ne sait combien ces verdures impérissables, avec leurs obscurs reflets, attristent le paysage ? Sur celui-ci, et comme pour en redoubler la mélancolie en faisant mieux sentir, par contraste, son vaste silence sans oiseaux, des sonneries de clairon passaient sans cesse. Venues d’un champ de manœuvres voisin et répercutées par les échos de la montagne rouge, de l’aride et rocheux Pellegrino, elles prolongeaient indéfiniment leur plainte monotone dont la tristesse navrante s’ajoutait pour Francis à celle que lui infligeaient si aisément certaines phrases de la conversation d’Henriette. La jeune fille, dans sa tendre ingénuité,