Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/200

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parlait longuement à son fiancé de ses rêves d’avenir, de leur installation, de leur commune existence. Tous les projets de cette âme candide et loyale supposaient la fondation d’une famille. Lui-même, quand il avait caressé le roman de son mariage, avec quelle simplicité il s’était abandonné au désir de renaître dans des enfants qui mêleraient dans leur fragile personne un peu de son être et de l’être de sa chère femme ! Pourquoi cette chimère de son foyer de demain ne pouvait-elle plus s’évoquer devant lui sans qu’il pensât à l’autre enfant, qui était la sienne cependant et dont jamais il n’aurait la grâce à ce foyer ? Jamais il ne lui dirait les mots qui l’avaient tant poursuivi durant sa cruelle veillée sur la route de Monreale, ce « Ma fille… » qu’il prononcerait pour d’autres ; et ces autres n’y auraient pas un droit plus assuré que cette charmante et fragile Adèle. La certitude entrée en lui sur sa paternité ne faiblissait pas plus en effet que sa volonté de ne pas déserter la ligne de conduite maintenant prise. Les alternatives de croyance et de défiance dont il avait été si consterné neuf ans plus tôt n’étaient plus possibles. Il avait vu, et il croyait. Par quelle ironie de fatalité, quand de douter lui eût paru une douceur, au lieu qu’il avait tant douté quand il lui eût été si doux de croire ?… Ces pensées le traversaient, le remuaient, le torturaient. Il regardait Henriette