Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/208

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que sa bonne ; et toutes les deux formaient à leur insu un tableau bien plus charmant encore, l’une, pauvre face ridée d’humble servante, l’autre, jeune et tendre visage si neuf à la vie. Une naïve extase les transportait qui eut pour la petite fille son soudain réveil et très pénible. À une minute, en effet, elle regarda autour d’elle, et de voir occupés les fauteuils qu’elle croyait vides, sans qu’elle eût entendu personne venir, lui causa un sursaut presque convulsif de timidité. Elle rougit et brusquement, involontairement, elle se retira vers sa bonne avec le geste de petit animal farouche qui lui était familier. Dans ces instants-là elle penchait sa jolie tête, ses grands yeux bruns exprimaient une crainte anxieuse sous leurs sourcils froncés. Il y avait dans ce recul hostile de son front un peu de la grâce sauvage d’une antilope qui va se défendre, et, devant cette défiance instinctive, Mlle Scilly, qui venait de faire à la vieille Annette un geste complaisant de demi-reconnaissance, se tourna vers Francis Nayrac pour lui dire :

— « Mais c’est ma petite amie de l’autre matin, vous savez, celle qui jouait si gentiment à la poupée malade… Regardez-la, sans trop en avoir l’air, pour ne pas la déconcerter tout à fait, et dites si elle ne ressemble pas au portrait de votre sœur enfant, d’une ressemblance surprenante ?… Plus encore aujourd’hui qu’elle n’a pas de chapeau… »