Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/241

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voilée chez ce même Vernantes, ç’avait été par horreur contre cette cruelle, cette féroce partialité qui ne lui faisait pas une seconde le crédit d’admettre qu’elle pût être innocente. Elle l’était cependant. Elle avait dû, quoique indisposée, sortir ce jour-là qui s’était trouvé aussi celui où une maîtresse quelconque, à peu près de sa taille et portant comme elle le manteau de la saison, avait eu un rendez-vous dans le rez-de-chaussée de la rue Murillo. Une aussi misérable rencontre de circonstances, une analogie de lignes et de mise, — voilà donc d’où avaient dépendu son honneur et son bonheur ! Oui, ce peu avait suffi pour que celui qui prétendait l’aimer s’avilît et l’avilît jusqu’à la frapper. Elle en frissonnait de haine en y pensant et en remettant dans leurs enveloppes ces feuillets, qu’il lui eût suffi de montrer pour se justifier. Pourquoi ne l’avait-elle pas fait ? Pourquoi, si elle n’était pas coupable, l’avait-elle laissé partir, cet amant qu’elle aimait ? Pourquoi ne l’avait-elle pas rappelé, alors que, devenue veuve, elle s’était trouvée enceinte, et sûre, bien sûre que la petite fille était de lui ? Pourquoi n’avait-elle jamais, avec les années qui passaient, tenté une autre démarche qui lavât du moins son légitime orgueil d’amante des affronts qu’elle avait dû subir ?…

Ah ! Pourquoi ? La réponse à cette question était tout entière dans les lettres de Francis, dans la frénésie de brutalité morale qu’elles manifestaient,