Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/243

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silence où se renfermait Pauline depuis la terrible dernière scène qui avait consommé une rupture commencée tant de jours auparavant. Elle ne s’était plus défendue. À quoi bon ? Si elle gardait cette correspondance, si elle l’avait feuilletée par ce soir de Noël, c’était uniquement pour y retremper sa haine toujours vivante contre ce misérable qu’elle avait retrouvé sur son chemin, par le plus inattendu, par le plus dur des hasards. Et il allait se marier, prendre la vie de cette charmante Mlle Scilly, qu’il suffisait presque d’avoir aperçue au passage pour l’aimer ! Si pourtant cette jeune fille et sa mère savaient la vérité de ce caractère, si elles connaissaient l’infamie de sa conduite envers la pauvre maîtresse de sa vingt-cinquième année, et dans quelles conditions d’affreuse angoisse morale il l’avait abandonnée, à la veille d’accoucher, et si malheureuse, que penseraient ces deux femmes du cœur de cet homme ? Il suffirait cependant, pour les éclairer, de leur montrer ces lettres qu’elle avait eu le tort de relire ce soir, non point qu’elle fût tentée une seconde par une si basse vengeance ; mais, après des années, elle ne pouvait, sans un sursaut de dégoût, penser au traitement que lui avait infligé son bourreau, et elle redisait, en repoussant le coffret, la phrase amère :

— « Combien était vil, combien n’était rien ce qu’ils ont aimé !… » Elle ajoutait : « À quoi