Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/244

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me sert de reprendre tous ces souvenirs ?… C’est le voisinage de cet homme qui en est la cause. Heureusement, ce sont les tout derniers jours… »

Dès la première heure, en effet, où elle avait su la présence de son ancien amant dans l’hôtel, de rester sous le même toit lui avait paru insupportable. À ce moment même, — oh ! la triste ironie des ignorances réciproques sur lesquelles se terminent presque tous les amours ! — le jeune homme se demandait par quels procédés il déjouerait la scélératesse et les ruses qu’il appréhendait de sa part, à elle. Un sentiment avait empêché Pauline Raffraye de changer d’hôtel, qui s’expliquait par la suite entière de cette tragédie morale. Il se reproduit chez tous ceux qui ont subi comme elle une trop outrageante méconnaissance de leur caractère. Elle avait jugé qu’en s’en allant elle paraîtrait rougir devant celui qu’elle considérait comme son mortel ennemi. Il lui avait semblé que de se retirer ainsi constituait une espèce de honteux aveu, une lâche désertion, et elle était restée. Puis, la rencontre avec Francis dans le jardin du Continental et le regard jeté par lui sur l’enfant avaient fait peur à la mère. Elle n’avait pas douté une minute qu’il n’eût retrouvé sur le visage d’Adèle cette ressemblance effrayante qui faisait qu’elle-même enfermait sous clef les portraits de son amie morte. Devant une si indiscutable évidence d’hérédité, — une de ces évidences