Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son premier instinct ne fut pas de parler d’elle-même ni des sensations qu’elle venait d’éprouver. Elle alla droit au lit en courant à peine ; elle prit la blanche main que Mme Raffraye lui tendait, — cette main comme vide de sang et si amaigrie que les bagues trop larges glissaient autour des doigts fluets, — elle y appuya un long, un passionné baiser, tandis que son regard aimant fixait, caressait le pâle visage où sa rentrée avait ramené comme un reflet de jeunesse, et elle interrogeait :

— « Nous ne sommes pas restées trop longtemps ?… Tu ne t’es pas ennuyée après moi ?… Demande à Annette si je ne suis pas partie aussitôt qu’elle m’a dit l’heure ?… »

— « Aussitôt, » insista la vieille bonne qui était entrée avec l’enfant. Son immobilité familière prouvait qu’elle était habituée à passer des heures en tiers entre la mère et la fille, non pas comme une servante, mais comme une humble amie, comme le chien qui se couche à vos pieds sans que vous y fassiez presque attention. Ce droit à la présence est le seul prix du dévouement qui éclaire son obscur regard, — dévouement instinctif, animal, silencieux !… Ce sont les seuls que supportent auprès d’elles les destinées brisées. Et la petite continuait :

— « Dis, si tu te sens tout à fait bien ? As-tu déjà dormi un peu ?… »