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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/268

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encore et avec l’accent d’un infini découragement, « la haine encore, toujours la haine ! Ah ! Que c’est triste !… Et moi, j’arrive à vous le cœur plein de cette certitude que j’ai lue sur le visage de cette pauvre enfant qui devrait être en dehors de toutes ces rancunes, tout effacer entre nous, tout apaiser… Car c’est ma fille aussi, à moi. Je vous défie de le nier, et vous le nieriez que je saurais que vous mentez. Mais vous ne le nierez pas. Il y a des évidences qui ne permettent pas le doute. Et vous me parlez comme à un ennemi, comme à un bourreau !… Est-ce d’un méchant homme, cependant, je vous le demande, d’avoir cédé du premier jour à cette voix du sang contre laquelle je n’ai pas discuté une heure, je vous jure ? Est-ce d’un homme cruel, d’avoir ouvert tout mon être à ce sentiment de paternité, lorsque, dans ce jardin, j’ai reconnu sur cette chère petite figure cette ressemblance, cette identité avec Julie ?… Mon Dieu ! Il eût été presque naturel que, dans les circonstances où je me trouvais, où je me trouve, je voulusse demeurer étranger, absolument étranger, à son avenir, même en la sachant ma fille. Je l’aurais dû, je crois. Je l’ai tenté… Je n’ai pas pu. Je ne peux pas. C’est cela que j’ai tenu à vous dire tout simplement… Et j’ajouterai : nous nous sommes bien misérablement aimés, nous nous sommes bien déchirés, bien détruits l’un l’autre. Si je vous ai fait souffrir,