Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/271

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de lui ôter la maîtrise de lui-même, et, mélangeant ses anciennes fureurs d’amant trahi à ses tendresses paternelles d’à présent, il continuait : « Ah ! Que vous êtes bien la même que j’ai connue, toute en orgueil, et toute en mensonges ! Et vous ne comprenez pas qu’en me repoussant de cette manière, c’est à l’enfant que vous risquez de faire du tort ?… Vous lui en avez fait pourtant assez en la privant, par vos trahisons, d’un père qui n’eût été pour elle que dévouement et qu’amour. Et s’il ne l’a pas été, s’il lui a fallu pour reconnaître sa fille presque un miracle, à qui la faute ?… »

— « À vous, » répondit Pauline, « à vous seul… Vous me dites que je suis toujours la même, et vous ne vous apercevez pas que c’est vous qui n’avez pas changé, vous dont l’infâme brutalité d’homme vient encore me martyriser, m’outrager, sans que vous ayez seulement pour excuse cette honteuse jalousie d’autrefois… Et j’aurai vécu dix ans comme j’ai vécu, abîmée de désespoir dans ma solitude, usant ma jeunesse à pleurer, pour retrouver devant moi cette même horrible calomnie… Non. Ce n’est pas vrai. Je ne vous ai pas trahi. Non, je n’ai pas mérité cette insulte !… Mais regardez-moi donc en face, si vous l’osez. Est-ce que j’ai les yeux, la voix, la figure d’une femme qui ment ? Cela se reconnaît pourtant, la vérité. Cela doit se reconnaître, ou Dieu