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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/272

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ne serait pas Dieu… Est-ce que j’ai intérêt à vous mentir, aujourd’hui, puisque c’est la dernière fois que nous nous serons parlé et que je vous chasse, entendez-vous, que je vous chasse ?… Mais je la dirai, je la gémirai, je la crierai, cette vérité. Non, je ne vous ai jamais menti ; non, je n’avais jamais été coquette même avec de Querne. Non, mon amitié pour ce pauvre Vernantes n’était pas coupable. Non, je ne suis pas allée chez lui comme vous m’en avez accusée. Non, non. Ce n’était pas moi la femme que vous avez vue descendre à sa porte. Ce n’était pas moi ! Ce n’était pas moi !… » répéta-t-elle, et elle ajouta avec une sombre mélancolie : « Je suis bien malade, je peux m’en aller demain, dans six mois, dans un an. On ne ment pas si près de la mort. Je vous le jure, j’étais innocente… »

Il y a dans les affirmations d’une créature humaine aussi voisine en effet de l’autre rivage, du mystérieux et redoutable pays où nous attend le Juge que l’on ne trompe pas, lui, une solennité et comme une force souveraine contre laquelle on peut se redresser plus tard. Sur le moment on la subit, quelque preuve qu’on ait à lui opposer. Francis venait tout à l’heure encore d’accabler Pauline sous le poids d’un mépris qu’il croyait absolument justifié. C’était l’honneur même de sa vie sentimentale qui était en jeu, et cependant la sincérité de cette femme lui apparut