Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/274

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que je pouvais m’abaisser à vous rappeler ? Vous n’auriez pas cru à votre sang… Vous y croyez, dites-vous aujourd’hui. Ah ! C’est trop tard… Vous avez tout souillé, tout brisé, tout flétri, tout tué… Par pitié, allez-vous-en… Je vous en supplie, allez-vous-en. Je ne peux plus le supporter… »

Elle avait pâli en prononçant ces dernières paroles, d’une pâleur de morte. Elle mit les deux mains sur sa poitrine, comme si elle voulait en arracher réellement un couteau dont la pointe la déchirait. Elle dit : « Que je me sens mal !… » Francis n’eut que le temps de se précipiter pour la soutenir. Elle s’était évanouie. Les secousses de cet entretien avaient été trop fortes pour cet organisme épuisé. Le jeune homme affolé la prit dans ses bras pour la soulever de terre et la porter sur son lit. Même dans son trouble épouvanté, ce lui fut une impression navrante que de sentir le dépérissement de ce pauvre corps qu’il avait porté de la même manière à d’autres heures, si jeune alors, si souple, si frémissant de passion et de volupté. Il entra dans la chambre de la malade avec ce fardeau d’agonie, et il était dans l’alcôve à disposer des oreillers sous ces cheveux dont il maniait les masses pâlissantes, à battre les paumes de ces mains moites d’une humidité froide, à frotter ces tempes jaunies et maigries, quand il entendit, lui aussi, ce même bruit d’une