Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/293

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le premier soupçon et le premier silence de la jeune fille. L’instinct de l’amour est si fort, ses intuitions irraisonnées sont si puissantes, qu’Henriette avait lu le mensonge dans la physionomie et sur les lèvres de Francis aussi certainement que si elle avait assisté à sa délibération intime de toute l’après-midi. Elle savait qu’il ne lui disait pas la vérité. Elle savait qu’il s’en allait de Palerme pour un motif tout autre que cette prétendue maladie. Mais lequel ? Quand elle fut rentrée dans sa chambre, livrée à elle-même, avec toute sa nuit pour tourner et retourner ce problème qui venait de s’imposer à son cœur d’une manière si foudroyante, comme elle pleura ! Comme elle lutta contre ce qui était déjà pour elle une irréfutable évidence ! Comme elle voulut se persuader qu’elle calomniait son aimé en le supposant capable d’une telle duplicité ! Ah ! Ces révoltes contre le soupçon, qui a pu aimer et ne pas les connaître ? Elles n’empêchent pas que l’on ne continue à soupçonner une fois que l’on a été conduit de déceptions en déceptions sur la route de la défiance, à ce carrefour fatal où l’on sait que l’on est trompé. Et quand nous savons cela, par cette divination qui ressemble au flair d’un animal, tant elle est inconsciente et irrésistible, il nous faut à tout prix savoir aussi comment nous sommes trompés, dussions-nous en mourir. Certes, l’innocente et candide jeune fille