Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bien qu’elle m’eût parlé. Je ne serais pas en proie moi-même à cette fièvre d’inquiétude… Qu’a-t-elle entendu de votre confession ? Assez pour tout savoir, j’en suis sûre. Le tremblement de tout son corps qui n’a pas cessé depuis que je l’ai prise là, dans mes bras, me le prouve trop… Que pense-t-elle ? Dieu ! si je le savais moi-même !… Quand j’ai essayé de l’interroger avant l’arrivée de Teresi, elle s’est mise à sangloter au lieu de me répondre, avec une telle exaltation que je me suis arrêtée, et cet excellent homme a mis tant d’insistance à prescrire le calme le plus absolu autour d’elle que je n’ai plus osé faire seulement la plus légère allusion à ce qu’elle a compris… Il n’y a que moi, voyez-vous, qui connaisse la profondeur de son innocence. Telle elle était au matin de sa première communion, telle elle était, ce matin, il y a deux heures, avant que nous eussions le malheur, vous de vous confesser à moi, et moi de vous écouter, sans nous souvenir que nous étions trop voisins d’elle… J’étais si fière de cette innocence, si fière de l’avoir gardée si blanche, si pure, si digne d’être aimée pieusement. Et quand je songe que la révélation des plus cruelles réalités de la vie lui a été infligée ainsi, quels reproches je me fais de ne pas avoir deviné qu’elle voudrait à tout prix empêcher que je ne vous questionne, et qu’elle viendrait… Ah ! je la verrai toujours, comme je