Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/356

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plaines peuplées de citronniers et d’oliviers, il lui eût fallu entrer, avec Mme Scilly, à cette même heure, dans la chambre d’Henriette. La lumière de ce jour mélancolique — un de ces jours où il y a comme de l’adieu dans l’air — s’harmonisait à la pâleur du visage souffrant de la jeune fille. Ses beaux yeux bleus brûlaient de ce feu d’une sombre fièvre, qui décelait mieux que cette pâleur la révolution morale à laquelle le pauvre être se trouvait en proie. La comtesse, qui s’était demandé toute la nuit quelle phrase assez tendre elle prononcerait pour faire parler sa douce malade, se sentit incapable, comme la veille, de provoquer cette confidence lorsqu’elle eut rencontré ces yeux. Le regard d’Henriette avait changé. Vingt-quatre heures plus tôt les saintes clartés de la plus entière ignorance rayonnaient dans ces prunelles. D’autres pensées s’en échappaient maintenant. La mère s’assit au chevet où reposait cette tête blonde sur laquelle sa sollicitude avait veillé des années, et elle n’osait seulement pas en scruter la souffrance ! Comme elle l’avait dit la veille à celui qu’elle espérait toujours continuer d’appeler son fils, elle se rendait compte que sa fille avait tout entendu, sans deviner ce que cette jeune, cette candide intelligence avait compris. Et comment ne pas hésiter devant des paroles à prononcer, si différentes de celles qui s’étaient depuis des années échangées