Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/357

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entre elles deux ? Elles étaient pourtant inévitables, ces paroles, car le caractère incomplet à la fois et définitif de la révélation infligée si soudainement à la jeune fille ne lui permettait pas de demeurer sur cette affolante et indistincte évidence. Mme Scilly ne s’était pas trompée, la pauvre enfant était bien incapable de venir surprendre par un espionnage clandestin les secrets même qui intéressaient le plus vivement sa passion pour son fiancé. Si elle s’était arrêtée, sans avancer, derrière le battant entr’ouvert de la porte du salon, c’est qu’elle avait entendu, à ce moment même, la voix de l’homme à qui l’engageait la plus sainte des promesses, prononcer ces terribles mots : « J’ai douté de l’enfant, j’ai cru que je n’étais pas son père… » et le reste avait suivi, ne lui permettant aucun doute sur le mensonge continu où cet homme l’avait fait vivre depuis ces dernières semaines. Mais ce qui l’avait comme foudroyée de cette horreur dont ses yeux continuaient d’exprimer la fièvre intense, ç’avait été ce brutal, cet affreux contact de son naïf esprit avec les réalités de la vie passionnelle qui demeurent une indéchiffrable énigme pour la fille la moins réservée, tant qu’elle est vierge, à plus forte raison pour une jeune personne gardée comme elle l’avait été. Seulement elle avait plus de vingt ans, et à cet âge, l’innocence la plus entière n’est pas une ignorance absolue. C’est là un phénomène