Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/366

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Lui que je croyais la délicatesse et la noblesse mêmes, devoir penser de lui qu’il a sur la conscience cette cruauté vis-à-vis d’un pauvre petit être !… Il y a des gens du peuple qui adoptent des enfants déposés dans la rue par des parents barbares, et lui, il n’a même pas cherché à vérifier des doutes qu’un regard aurait dissipés ! Il vous l’a déclaré lui-même que ce regard avait suffi. »

— « Il a encore cette excuse, » dit la mère, « que cette petite fille n’avait pas besoin de lui, que même il n’avait pas, qu’il n’a pas le droit de s’en occuper. La mère était là… »

— « Et si cette mère avait été mauvaise pour cette enfant ? Si elle avait été ruinée et toutes deux réduites à la misère ? Si elle était morte et la petite livrée à des étrangers cruels ? Si… »

— « Tu n’as pas le droit d’imaginer des hypothèses pareilles, » interrompit Mme Scilly. « Nous ignorons absolument ce qu’il aurait fait si cette enfant, au lieu d’être riche et gâtée, avait été pauvre et malheureuse… »

— « Ah ! » dit Henriette, « il ne l’aurait même pas su. »

Cette fois la comtesse ne répondit pas. Les jugements ainsi portés par sa fille avaient cette rigueur intransigeante contre laquelle il est très difficile de protester, même quand on la trouve excessive, par scrupule de toucher à cette fleur