Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de moralité qui fait la force et la grâce en même temps des âmes vraiment droites. La mère savait ce qu’elle voulait savoir. Henriette avait bien tout entendu de la confession de son fiancé, tout entendu et tout compris dans la mesure où son ignorance de la vie physiologique le lui permettait, et la révolte de sa jeune loyauté la rendait implacable pour les compromis de sens moral que cette triste aventure supposait. L’amour seul, avec sa générosité irrésistible, pouvait triompher de cette indignation et seul guérir une conscience pure atteinte au plus vif, au plus profond de son rêve de noblesse et de loyauté. Mais en ce moment cet amour ne se faisait sentir à ce cœur blessé que par la souffrance. Mme Scilly en eut la preuve lorsqu’elle voulut reprendre cet entretien après un silence, non plus afin de défendre Francis auprès de la jeune fille, mais pour la prévenir de la résolution qu’elle avait cru devoir adopter :

— « Ne remuons pas toute cette misère, » recommença-t-elle. « Laisse-moi seulement te mettre au courant de ce que j’ai fait… Le docteur Teresi avait ordonné de t’éviter la plus légère émotion. J’ai pensé qu’il valait mieux pour M. Nayrac et pour toi de ne pas vous rencontrer dans les conditions particulièrement étroites de notre vie d’hôtel, et je lui ai demandé de s’en aller… »

— « Il est parti…, » dit Henriette, et ses traits