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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/38

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procédé à une enquête comme tous les parents en ont fait de tous les temps. Hélas ! S’il fallait une preuve pour démontrer combien le sort des plus prudents est dominé par un pouvoir incompréhensible et ingouvernable, où la trouverait-on mieux que dans cette incapacité d’un père et d’une mère, même bien vigilants, à connaître avec exactitude la vie et le caractère de celui qui doit faire tout le bonheur ou tout le malheur d’une enfant idolâtrée et préservée pendant des années ? Mme Scilly s’adressa de droite, de gauche, dans des visites qui furent comme les intermèdes comiques de ce drame sentimental. N’est-ce pas un drame en effet et de l’intérêt le plus poignant qui se joue dans ces entretiens où d’un mot prononcé à la légère dépendront deux avenirs dont l’un est si dépourvu de défense ? Et voici le type des réponses obtenues après d’infinis détours de causerie :

— « M. Nayrac ?… » avait dit à la comtesse Mme d’Avançon, la femme de l’ancien diplomate, « un charmant garçon, avec une très jolie fortune, ce qui ne gâte rien. Il est resté dix ans dans la carrière, il allait passer premier secrétaire, et il vient de démissionner comme M. d’Avançon, à cause de ce gouvernement… C’est dommage… » Et la digne dame, clouée sur son fauteuil à roulettes par une crise de ses douleurs, avait continué par une tirade sur l’état de choses actuel,