Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/389

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enfant était exposée à plus de dangers ? En regard de ces images de mélancolie, Henriette évoqua malgré elle une autre image, celle que serait son intérieur si elle pardonnait à son fiancé. Elle se vit mariée, auprès de lui. Elle sentit qu’elle ne goûterait certes plus l’idéal bonheur qu’elle s’était promis autrefois, mais ce serait du bonheur tout de même, puisqu’elle l’aurait à elle, et la présence de celui qu’on aime, si douloureuse soit-elle, emporte par elle seule une joie plus forte que les pires soucis. Expier ? Que parlait-elle d’une expiation possible du moment que ni elle, ni son fiancé ne réparaient rien du mal que le jeune homme avait causé ? — Le réparer ? Comment ? — Il n’existait au monde qu’un moyen, et Henriette n’eut qu’à l’entrevoir, ce moyen, pour que son cœur se rejetât tout entier en arrière et que sa volonté chancelât devant l’énormité du plus grand effort qui puisse être imposé à une âme de femme amoureuse.

— « Non, » gémissait-elle, « je ne peux pas. Vous ne me demandez pas cela, mon Dieu !… Vous n’auriez pas permis que je l’aimasse comme je l’aime, pour vouloir que je le donne à une autre !… »

Ce qu’elle repoussait, en effet, avec ce mouvement d’horreur, c’était cette vision soudain aperçue : Francis effaçant lui-même tout ce qu’il pouvait effacer des funestes conséquences de ses