Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/390

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anciennes fautes, de son adultère et de son abandon, — Francis, son Francis, occupant auprès de la petite Adèle l’unique place qui l’autoriserait à dire à cette enfant : « Ma fille, » et à s’inquiéter d’elle vraiment comme un père, — Francis dévouant sa vie à panser les blessures qu’il avait infligées à Pauline Raffraye, avec le titre qu’il avait le droit de prendre maintenant qu’elle était libre. Cette vision d’un mariage entre cette femme qu’elle haïssait malgré elle, de toute la jalousie rétrospective d’un amour passionné, et cet homme qu’elle continuait de chérir malgré le mépris, était si intolérable qu’Henriette faillit retomber dans ce désespoir furieux contre lequel sa foi seule avait prévalu. La visite du médecin, qui la trouva cependant assez reposée pour lui permettre de se lever, vint interrompre cette méditation que la jeune fille devait reprendre, attirée précisément par l’excès de souffrance qu’une pareille image enveloppait. Le premier signe auquel se reconnaît la grande exaltation mystique est celui-là : cet appétit de se meurtrir, cette frénésie de mutiler en soi la nature, que le solitaire du moyen-âge exprimait dans cette parole de sanglante extase : « Tout est dans la croix, et tout consiste à mourir. » Quoique Henriette ne fût qu’une simple jeune fille et qu’elle traversât un drame moral que beaucoup d’autres ont traversé sans y sombrer, elle se trouvait dans une disposition pareille à