Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/422

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d’autrefois, quand il entrait dans le salon de Mme Scilly comme si c’eût été le sien propre, et cette obligation aujourd’hui de s’y présenter comme un étranger ! Il avait regagné sa chambre pour attendre la réponse à son billet. Tandis que la servante d’étage préparait son lit et que le garçon allumait le feu, il se rappela comment, au matin de sa première arrivée, quand il venait de Paris rejoindre sa fiancée, il avait trouvé cette chambre parée de fleurs, si gaie, si coquette dans la lumière bleue du matin. Qu’elle était triste à regarder maintenant à la lueur des bougies, dans le désordre de cette rentrée improvisée ! Et pourquoi Vincent tardait-il tant à revenir ? Enfin le brave homme retourna pour l’avertir que la comtesse l’attendait. Que n’eût pas donné Francis pour savoir si Henriette était là ?… Il ne pouvait pas même poser cette question ! Mais déjà la porte de l’antichambre s’ouvrait devant lui, puis celle du salon. Cette grande pièce vide lui serra le cœur de la même façon que tout à l’heure sa chambre, mais plus douloureusement encore. Une seule lampe en éclairait la nudité, affreuse à voir à cause de son luxe criard, maintenant qu’on en avait retiré la masse des petits objets féminins qui lui donnaient une physionomie vivante. Tout avait disparu : les étoffes qui voilaient de leurs nuances passées l’éclat battant neuf du meuble rouge, les portraits qui rendaient personnel le