Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/43

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si scrupuleusement attentif à ne jamais mettre leur amour entre Henriette et sa mission filiale ! Et, par ce beau et clair matin où elle se sentait renaître, la malade laissait s’épanouir en elle, avec un espoir de ne pas s’en aller encore, une infinie reconnaissance pour ce qu’elle avait pu lire dans ce cœur de jeune homme :

— « Mon Dieu ! puissé-je vivre, » se répétait-elle, « et ne les quitter que plus tard ! »

Elle les regardait de nouveau marcher dans l’allée, tandis que les vertes palmes semblaient s’incliner sur eux pour les protéger, et que le vent éveillait dans les pins le vague murmure d’un océan endormi. Son âme s’échappait d’elle pour les suivre, pour leur souhaiter un ciel intérieur aussi caressant toujours, aussi bleu que celui qui les enveloppait à cet instant de son lumineux azur. Elle savait, quoiqu’elle n’entendît pas même le bruit de leurs chères voix, qu’ils l’associaient de leur côté au charme de cette promenade, et c’était vrai qu’en se parlant d’eux, ils se parlaient d’elle. Ils la mêlaient si naturellement à l’avenir dans lequel ils avaient cette confiance enivrée de ceux qui s’aiment d’un amour permis. Oui, quel rêve ils réalisaient dans ce cadre de paradis, elle si tendre, si fière, n’ayant connu de la vie que ses heures pures, lui encore assez jeune pour ne pas craindre de vieillir avant elle, assez éprouvé