Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/431

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lui. Il méditait d’agir, de poursuivre sa fiancée, de lui écrire. Il espérait, malgré l’évidence. Aujourd’hui il avait compris, il avait accepté comme une expiation de sa terrible injustice cet abandon de l’être si vrai, si tendre, si jeune, dont la lettre dernière était devenue son unique lecture depuis cette heure de séparation, — et il avait senti peu à peu une contagion de sacrifice émaner pour lui de ces pages sur lesquelles les purs yeux bleus de la jeune fille avaient tant pleuré… Il se souvenait. Après avoir vu la Regina Margherita disparaître derrière la pointe rouge du mont Pellegrino, il était rentré au Continental où il avait donné l’ordre que tout fût prêt pour son départ à lui-même, décidé qu’il était à ne pas rester une journée de plus dans ce cadre de sa joie détruite. Il avait fait porter ses bagages dans un autre hôtel. Puis il avait voulu, avant de quitter Palerme, revoir du moins sa fille une dernière fois. Il était allé à la recherche de cette villa Cyané dont on lui avait donné le nom à la poste. Il avait eu tôt fait de la découvrir, cachée parmi les arbres dans le fond du Jardin Anglais, et il avait guetté dans une des allées de ce jardin, une heure, deux heures, trois heures, jusqu’à ce qu’il eût aperçu l’enfant. Elle sortait de la maison, tenant de la main droite sa grande poupée et donnant la gauche à sa bonne. Il s’était dissimulé dans une petite allée transversale, d’où il avait