Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/432

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pu, à travers un rideau de minces et murmurants bambous, suivre le commencement de leur promenade. À la démarche absorbée de l’enfant qui n’avait pas sa vivacité de mouvements habituelle, au souci empreint sur le visage de la vieille Annette, il s’était dit : « La mère est-elle plus mal ?… » À cette question il avait senti son cœur se serrer et cette même angoisse éprouvée durant la fatale soirée de l’arbre de Noël s’emparer de lui. L’idée que sa charmante et fragile Adèle allait peut-être perdre ici, à tant de lieues de son pays, la seule protection dont fût entourée son enfance, lui avait fait trop de mal, et il lui avait été impossible de partir le soir comme il l’avait résolu. Il était rentré dans son nouvel hôtel, et il avait relu la lettre de rupture de sa fiancée. Il lui avait semblé entendre la voix de celle dont il avait perdu l’estime, revoir de nouveau ses yeux, et il avait pris la résolution de rester, pour être là en cas de malheur, comme elle lui eût certainement ordonné de le faire.

Et il était resté, et les journées avaient succédé aux journées, plus étranges encore que celles de Catane. Il n’était plus soutenu comme alors par l’attente d’un rappel auprès de cette fiancée perdue. Les lettres qu’il continuait de recevoir de Mme Scilly achevaient de l’éclairer sur la profondeur de la résolution d’Henriette. Il comprenait qu’il se trouvait en présence d’un véritable vœu,