Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/61

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expériences de son mariage lui donnaient ce préjugé contre cette capitale qui est aussi fréquent chez certaines femmes très honnêtes que le préjugé contraire peut l’être chez certains boulevardiers. Elle se trompait. Si la facilité de plaisir qui se rencontre dans cette ville est funeste à beaucoup de jeunes gens, trop entraînables ou trop vaniteux, la solitude morale et intellectuelle de la province ou de l’étranger est plus funeste à quelques autres, prédisposés déjà aux abus de la vie imaginative et sentimentale. Ce fut toute l’histoire de Francis. À Paris, ses premiers désordres l’eussent vite lassé et l’honnêteté profonde de sa nature l’aurait poussé aussitôt à ranger son existence dans ce qui reste la chance la plus probable du bonheur : le mariage jeune. Entré sur les conseils, presque sur l’injonction de sa sœur, dans la carrière diplomatique pour laquelle il n’avait aucune espèce de goût, il fut pour son malheur attaché d’abord à une des légations les plus retirées d’Allemagne. En 1876, il venait donc de passer deux années à Munich, presque absolument replié sur lui-même, occupé à lire, à rêver, à attendre la vie au lieu de commencer de vivre, dans une autre oisiveté, celle des chancelleries, où la fréquentation forcée et continue des collègues exaspère encore l’isolement intérieur quand elle ne produit pas l’amitié. Ces deux années eurent pour résultat de développer