Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/89

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Je vous en préviens, » avait-elle ajouté avec un sourire triste, « pour que vous m’épargniez et que vous vous épargniez des chagrins à son sujet… À quoi bon ? Vous ne croyez pas en moi. Pourquoi y croiriez-vous dans cette circonstance ?… J’en mourrais que vous n’y croiriez pas… »

Francis la revoyait, lui parlant ainsi, et il se revoyait se taisant. Lorsqu’il tombe entre deux amants de ces phrases que tous deux sentent trop vraies, c’est comme une lumière qui se répand à la fois sur leur passé et sur leur avenir, et ils en demeurent comme épouvantés. Tous deux savent bien que de prévoir les misères vers lesquelles ils sont entraînés ne les empêchera pas d’y être entraînés, et ils forment, quand même et sincèrement, des résolutions qu’ils tiendraient si les maladies du cœur ne comportaient pas des lois logiques contre lesquelles les plus fermes raisonnements demeurent inefficaces. Deux semaines s’écoulèrent ainsi, et sans que Nayrac parût prendre ombrage de la visible familiarité qui unissait le nouveau venu ou mieux le revenant à Mme Raffraye. Sur trois visites pourtant qu’il avait faites à cette dernière durant cette quinzaine, deux fois il avait rencontré Vernantes. Sur deux fois qu’il avait dîné en ville dans les mêmes maisons que Pauline, les deux fois Vernantes était un des convives. Il avait eu deux rendez-vous avec Pauline, et, des questions qu’il lui avaient posées, il résultait tantôt qu’elle