Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/90

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avait eu Vernantes à déjeuner chez elle la veille, tantôt qu’elle allait l’avoir le lendemain, qu’elle était allée ou qu’elle irait au théâtre avec lui. À chacun de ces menus faits, sans portée isolément, mais bien significatifs dans leur ensemble, Francis avait senti grandir son antipathie. Elle était d’autant plus forte qu’il y avait entre Vernantes et lui une certaine ressemblance de nature, une communauté de tempérament. Ces sortes d’analogies constituent le plus violent principe de rivalité. Il n’était pas jusqu’à la demi-identité de leurs prénoms qui ne fût pour Francis un aliment d’irritation passionnée… Bref, l’accès de jalousie avait éclaté, malgré les résolutions prises et les promesses données, d’autant plus violent qu’il avait été plus reculé, et il avait abouti à cette même implacable alternative posée à Pauline : — « Ou lui, ou moi. Ou vous ne recevrez plus M. Vernantes, ou je ne mettrai plus les pieds chez vous… » Francis s’était heurté alors à une résistance de sa maîtresse, si invinciblement exprimée qu’une première rupture avait suivi. Il était demeuré dix jours sans la voir, sans que Pauline fît l’ombre d’un geste pour se rapprocher de lui. Il avait cédé le premier, — quelle misère ! — et il était revenu pour trouver une femme ulcérée et qui lui avait dit : « C’est la dernière fois que je vous pardonne…, » qui avait osé le lui dire ! Un pardon d’elle, à lui ! Son sang bouillonnait