Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/92

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du vitriol sur une plaie. Vous agonisez de ne pas savoir la vérité, et voici que d’autres ont l’air de la savoir, eux, cette vérité. D’autres ? Mais tous, oui, tous, depuis cette femme indifférente qui vient de vous percer le cœur, jusqu’au clubman qui l’écoute sans étonnement. Vous n’y résistez pas alors. Il vous faut interroger quelqu’un, au risque de déshonorer votre sentiment à vos propres yeux par une telle enquête. Vous parlez de votre rival à celui-ci, à celui-là, d’un air détaché, quand de le nommer fait saigner en vous les places les plus envenimées du cœur. L’un vous répond des phrases qui n’ont aucun rapport avec votre passion. L’autre vous donne des détails que vous connaissez déjà. Et vous ne vous arrêtez qu’après être tombé sur un mot qui achève de vous désespérer. C’est ainsi qu’après avoir insinué de son mieux dans dix occasions sa demande : « C’est un bien joli homme que Vernantes, avec qui est-il donc ?… » Francis finit par se faire répondre par un viveur quelconque du cercle de la rue Royale :

— « Vernantes ? Il travaille dans les femmes mariées. Je crois qu’il avait la petite Raffraye à l’époque. On l’a beaucoup dit… »

C’était là pour Francis le second des faits qui avaient contribué à sa révolte définitive. Le troisième était d’une autre nature et moins imaginaire. Une semaine environ après s’être de nouveau