Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/94

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de cet angle de trottoir où il s’immobilisait dans un honteux et puéril espionnage, pensa le faire mourir de douleur. Un fiacre aux stores à demi baissés, de quoi cacher le visage sans faire trop remarquer la voiture, venait de s’arrêter devant la maison et d’entrer dans l’allée. Nayrac se précipita et il arriva juste à temps pour voir une femme voilée d’un double voile, qui disparaissait par la porte du rez-de-chaussée. Quoiqu’il lui eût été impossible de distinguer les traits de cette femme, il avait pu voir qu’elle était mince comme Pauline, qu’elle avait la taille de Pauline. Enfin, détail insignifiant, mais qui devait, pour Francis, servir de preuve indiscutable, comme le mouchoir du célèbre drame, elle portait un long manteau de loutre, et il crut reconnaître celui de Pauline. Son angoisse fut si forte qu’une fois le fiacre parti, il eut l’audace d’entrer, lui aussi, sous la voûte et de marcher jusqu’à cette porte du rez-de-chaussée à laquelle il sonna sans qu’on lui répondît. Dieu ! Que le timbre lui faisait mal à écouter ! Il allait sonner encore quand il s’entendit interpeller par le concierge qui, debout sur le pas de sa loge, lui disait, avec le visage impassible d’un complice inférieur grassement payé :

— « Monsieur Vernantes n’est pas chez lui… »

Ainsi c’était bien l’appartement de son rival ! Il s’était retrouvé sur le trottoir, en proie à une de ces frénésies de soupçon qui déchaînent chez