Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/96

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La scène atroce qui avait éclaté entre eux le lendemain, l’implacable audace de dédain qu’elle avait opposée à son accusation, son refus de rien justifier, sa fureur à lui et la dernière indignation qui l’avait égaré jusqu’à lever la main sur elle, — jusqu’à la frapper ! — tout cet horrible et suprême épisode lui faisait battre le cœur encore aujourd’hui à seulement s’en souvenir. Et il était rentré chez lui si épouvanté de lui-même qu’il s’était dit : « Il faut partir… » Et, sur-le-champ, en vingt-quatre heures, il avait achevé les premiers préparatifs. Il était monté dans un train, comme un malfaiteur s’enfuit, rageusement, aveuglément, sans projets, sans calculs, pour être ailleurs. Il ne s’arrêta qu’à Marseille, où il eut sa dernière lâcheté. Car il écrivit de cette ville à Pauline une lettre encore, un ultimatum, qu’il mit une demi-journée à composer, griffonnant des pages de tendresse tour à tour et de malédiction, puis les déchirant pour n’envoyer enfin qu’une dizaine de phrases dont il ne savait plus rien, sinon qu’il exigeait de son infâme maîtresse cette preuve insensée : un renoncement à tout, une fuite de chez elle pour venir le rejoindre immédiatement. Terrible et déraisonnable billet qui demeura sans réponse ! Huit jours après, le jeune homme était en Égypte. Là il s’embarquait pour faire le tour du monde.

— « Cette femme est mon mauvais génie, »