garçon dérivait pourtant d’un fait très simple. J’avais grandi jusqu’à cette heure dans un milieu purement cérébral, où les seules formes estimées de la vie étaient les intellectuelles. J’avais eu pour camarades les premiers de ma classe, tous délicats et frêles comme je l’étais moi-même, sans daigner jamais prêter attention aux antres, à ceux qui excellaient dans les exercices du corps, et qui d’ailleurs ne trouvaient dans ces exercices qu’un prétexte à brutalité. Tous mes maîtres préférés et les quelques anciens amis de mon père étaient, eux aussi, des cérébraux. Quand je m’étais dessiné des héros de romans d’après mes lectures, j’avais toujours imaginé des mécaniques mentales plus ou moins compliquées, jamais leurs conditions physiques. En un mot, si j’avais songé à la supériorité que représente la belle et solide énergie animale de l’homme, ç’avait été d’une manière abstraite, mais je ne l’avais pas sentie. Le comte André, âgé d’un peu plus de trente ans, présentait un exemplaire admirable de cette supériorité-là. Figurez-vous un homme de moyenne taille, découplé comme un athlète, des épaules larges et une tournure mince, des gestes qui trahissent à la fois la force et la souplesse, — de ces gestes où l’on sent que le mouvement se distribue avec cette perfection qui fait l’agilité adroite et précise, — des mains et des pieds nerveux, disant seuls la race, avec cela le visage le plus martial, un
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LE DISCIPLE