Page:Bourget - Les Deux Sœurs, Plon-Nourrit.djvu/152

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Ils avaient baissé les yeux l’un et l’autre, en même temps. L’un et l’autre les relevèrent, en même temps. Ils se regardèrent. La même vision insupportable avait passé devant leurs jalousies. Tous deux comprenaient maintenant, quoiqu’ils ne voulussent pas se l’avouer, que Madeleine aimait le commandant Brissonnet, tous deux qu’elle en était aimée. Ils auraient dû comprendre aussi que Madeleine n’avait jamais laissé même soupçonner à l’officier les troubles de son cœur. Ils le comprenaient. Pourtant l’un et l’autre, le mari et la sœur, furent traversés à la fois de la même pensée de défiance. Ce fut Agathe qui osa la formuler. Elle dit, presque à voix basse : – « Ah ! comme je voudrais assister cachée à cet entretien !… Je saurais alors… » Elle saisit les mains de son beau-frère et l’associant déjà à une complicité : Nous saurions… Entendez-vous, François, nous saurions. » Puis tout à fait bas : « C’est demain qu’il viendra la voir, vers les deux heures, sans doute. Elle me l’a dit… Elle vous croira sorti… Si vous reveniez cependant ?… Votre cabinet donne sur le petit salon… il y a une tenture devant la porte… Si vous vous y cachiez ? Si nous nous y cachions ?… Nous entendrions. Nous saurions… »